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  • Writer's pictureGeorge Visser

Guido et le Mythe des Protéines


Je ne considère pas avoir été un athlète exceptionnellement talentueux. J’ai peut-être réussi à me rendre à un niveau intéressant, mais encore aujourd’hui je n’en reviens pas à quel point j’ai dû m’entraîner fort pour y arriver. Outre la forme physique qui devait être au summum, un podium national requérait l’alignement parfait de plusieurs autres astres, dont: un poids minimal, un équipement hyper performant, une mentalité d’assassin, l’absence de blessures, un parcours avantageux et une bonne dose de chance.


Il va sans dire que d’un point de vue purement génétique, personne ne me ressemble plus que mon frère Guido. Seulement 14 mois nous sépare et c’est vrai qu’on était physiquement très similaires. En fait, plusieurs nous confondaient jusqu’à tard dans la vingtaine. Par contre notre entourage proche avait tendance à dire que nos personnalités étaient très différentes et ce dès un très jeune âge. Je suis le premier à admettre qu’il était plus discipliné et plus fort mentalement. Cependant, j’avais un don pour me faire des amis; j’étais extroverti et comique. Lui était introverti et sérieux.



Mon grand frère a été victime d’intimidation durant les premières années du secondaire. C’était une cible facile : il était maigre, n’était pas particulièrement habile socialement et portait un nom qui faisait rire. C’était le genre d’intimidation qui peut détruire quelqu’un psychologiquement. Du jour au lendemain tes bons amis décident de devenir tes pires ennemis. Rien à comprendre. Guido a subi quelques blessures physiques, mais surtout des blessures mentales. L’intimidation n’était pas un sujet d’actualité durant les années 80 et les responsables de l’école ne s’en préoccupaient pas vraiment. Mes parents inquiets ont tenté de lui procurer de l’aide professionnelle, mais c’était en vain. Guido a donc décidé de régler le tout par lui-même : il s’est acheté un kit de bench-press et il a arrêté de prendre l’autobus. Il pédalait les quelques 20km qui séparaient la porte de notre maison à celle de l’établissement scolaire à chaque jour. Le soir, il faisait de la muscu dans sa chambre. À chaque soir. J’étais aux premières loges d’une transformation physique pour le moins phénoménale. En moins de deux ans il a développé une charpente à faire envier un haltérophile et un cardio qui humiliait n’importe quel sportif qui osait le mettre au défi. Au moment de graduer du secondaire, il était rendu malgré lui populaire et admiré; c’était désormais cool de prononcer son nom et de s’afficher comme étant son ami.


Guido a pratiquement toujours été agréable à côtoyer. Par curiosité et puisque je n’avais rien de mieux à faire, j’ai décidé de l’accompagner en vélo tôt dans ce processus. Je ne partageais pas sa rage mais j’ai vite ressenti les bénéfices de pratiquer un sport d’endurance. Et j’étais compétitif. Inévitablement nos déplacements à l’école sont devenus des courses. À chaque jour, allez retour. Pluie, vent, froid, neige, noirceur; rien ne nous arrêtait. Mes parents étaient incrédules. Les écoliers qui prenaient l’autobus disaient qu’on était complètement fous. Une légende voulait qu’on dépassât parfois l’autobus en pleine vitesse. Ce n’était pas du tout vrai mais j’aimais donc entendre ça.


Pour dépenser tant d’énergie sans s’exténuer, ça nous prenait du bon carburant. À ce sujet, une autre légende (il y en a eu plusieurs) voulait qu’on mangeât une quantité gargantuesque de bouffe. Celle-là était plutôt vraie. Mais c’était peu élaboré car le menu au 58 Champlain reflétait la cuisine européenne post-guerre que mes parents ont connu: gruau, fruits et noix le matin; sandwichs jambon, fromage et laitue le midi; spaghetti/riz + légumes le soir. Répétez cette formule 7 fois par semaine et multipliez chaque portion par 3. Rien de plus compliqué. Les protéines? Je doute que les minces tranches de jambon et fromage le midi ou la pièce sporadique de viande le soir en fournissaient assez pour subvenir à notre croissance effrénée et à notre train de vie survolté. Et pourtant. Non, elles devaient majoritairement provenir d’ailleurs.


On est porté à croire que plus on mange des protéines, mieux c’est. C’est d’ailleurs ce qu’on nous inculque dans les gyms ou dans les clubs sportifs car on nous explique que c’est essentiel à la récupération. On fait donc confiance à ces dires et on se nourrit et on nourrit nos enfants de boeuf, poulet, porc, veau, agneau, dinde, etc. On est naturellement porté à se tourner vers la viande animale car ça fait partie de nos mœurs et coutumes. Mais qu’est-ce qu’une protéine exactement? Google m’indique que c’est une molécule composée d’acides aminés participant au renouvellement des tissus musculaires. Parfait, merci. Mais plus encore : qu’en est-il des procédés requis pour que la protéine se rende jusqu’à mon assiette? Est-ce que la protéine est accompagnée de cholestérol, de gras saturés, de résidus de drogues médicales ou des pathogènes comme l’E-coli ou la salmonelle? Est-ce que la protéine peut causer de l’inflammation? Et quel impact a la culture associée à celle-ci sur le sol, l’eau et le climat? J’ai abordé cette dernière question dans mon blogue précédent (Mea Culpa et l’Ère du Changement). Depuis, je me suis renseigné davantage sur le sujet et j’ai découvert un nouveau concept qui s’appelle les protéines propres. Un peu comme dans le secteur de l’énergie où l’on remplace les énergies fossiles par des énergies propres comme l’éolien et le solaire, il commence à y avoir une conscientisation qui prend de plus en plus d’ampleur par rapport à la provenance et l’impact des protéines. Les protéines propres est un sujet vaste car il émane principalement des questions posées précédemment. Mais avant de s’y attarder, il est pertinent de revenir aux acides aminés. Une protéine contient 20 acides aminés essentiels, 9 d’entre eux ne sont pas synthétisés par notre corps et par conséquent doivent être obtenus via la nourriture à défaut de quoi il ne serait pas pleinement fonctionnel. La bonne nouvelle est que l’ensemble de ces acides aminés se trouvent en abondance dans la nature et ce, indépendamment des viandes et produits laitiers. En d’autres mots, contrairement à la croyance populaire, on obtiendrait l’assemblage complet d’acides aminés simplement grâce aux légumes, aux pains et céréales et en accompagnant le tout de légumineuses. Qui plus est, un régime à base de plantes ferait en sorte qu’on n’aurait pas à se soucier du cholestérol, des gras saturés ou d’autres éléments néfastes associées à la transformation de la viande animale et qui intoxiquent et ralentissent notre système. Si je voulais aller plus loin j’enchaînerais avec les vertus oubliées des fibres et j’apporterais une précaution par rapport aux pesticides, mais je me garde une petite réserve. Ça fera peut-être l’objet d’un autre élan. Demeurons dans le sujet : selon Santé Canada, la recommandation quotidienne minimale de protéines est de 0,8g par kg de poids. Pour ma part ça se situerait autour 60g par jour. Je ne porte pas vraiment attention aux quantités mais un calcul simple et rapide m’indique que je surpasserais largement ce seuil. L’organisation Mondiale de la Santé placerait quant à elle la barre beaucoup plus bas. On pourrait donc se questionner sur l’influence derrière les chiffres fournies par notre pays dont le GDP dépend largement de l’industrie agroalimentaire? Encore là, c’est un sujet à part. Bref, s’il y a une seule chose qu’il faut retenir de tout ceci, c’est ce qui suit : peu importe qu’on soit un athlète d’élite ou un adolescent en pleine croissance, la quantité minimale requise de protéines est facilement atteignable sans devoir dépendre d’un apport animal quelconque.

À 19 ans j’ai eu l’opportunité d’aller compétitionner sur le circuit de vélo de montagne du Japon. J’y ai habité avec un coéquipier bohème de Vancouver qui approchait la quarantaine. C’était un Rasta blanc végétarien nommé Paul. Il fumait du pot à profusion et faisait constamment jouer du reggae dans notre humble demeure perchée dans les montagnes. Par moments je me demandais si j’étais au Japon ou en Jamaïque. Paul était un bon cuisinier; je me contentais donc de faire la vaisselle et de le complimenter sur ses plats généreusement remplis de légumineuses. Du vélo, on avait juste ça à faire. Paul était un passionné des sorties épiques; on scrutait les cartes les soirs précédant nos longues rides en déterminant quelles routes étaient inexplorées et jusque où l'on pouvait se rendre et revenir avant que le soleil ne se couche. Les indications routières étant en kanji, on se perdait plus souvent qu’autrement et on revenait à pleine noirceur. À chaque semaine on prévoyait faire quelques rides épiques de 6 heures qui finissaient insidieusement par dépasser 8. Pendant l’année que j’y étais, je ne me rappelle pas d’avoir mangé une seule portion de viande rouge et j’ai rarement ingéré de la volaille. Du poisson cru certes, mais seulement au resto. Pratiquement zéro produits laitiers. J’ai du mal à expliquer modestement ce qui est arrivé sur cette île : j’ai tout raflé. D’un bout à l’autre de la saison de compétition. Et ce n’était pas parce que le calibre n’était pas relevé : je remportais même les épreuves contre des pros australiens, américains ou européens qui faisaient un détour du circuit international. J’étais capable d’ouvrir tous mes cylindres à chaque course à chaque weekend. C’était ahurissant; je n’ai jamais réussi à reproduire une telle constance. J’oserais même avancer que si Guido y était, il aurait eu du mal à me suivre. Mais là j’y pense… tout comme moi il se serait régalé des plats à Paul et il aurait peut-être trouvé le moyen de me devancer en puisant dans sa force mentale inégalée.


Justement, je m’empresse à écrire ces dernières lignes car je dois me rendre chez Guido au Mont Sainte-Anne pour la fête à son fils. On célèbre les 9 ans à Ian et mon garçon Aksel ne veut pas manquer ça pour rien au monde. Ils ont toujours un fun noir ensemble. Pourtant, ils sont tellement différents : Ian est calme et réfléchi tandis qu’Aksel est hyperactif et rigolo. Parfois je me perds à les regarder interagir entre eux. Ça va probablement m’arriver encore cet après-midi. Et sûrement que mon frère va m’extirper de ma bulle avec son tact habituel en lâchant une de ses fameuses phrases qui me font sourire en coin. « Envoye le frère, chu tanné de t’attendre. Pognes ton bécique, on y va! ».

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